Phosphore : en bio, certaines situations appellent à la vigilance
Les sols calcaires et les systèmes de cultures ayant une forte proportion de légumineuses sont notamment plus à risque.
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Les résultats de quatre années de travaux sur le phosphore en agriculture biologique, pilotés par Arvalis et d’autres partenaires dans le cadre du projet Phosphobio, ont été présentés à la fin de 2024. Sur les quelque 200 parcelles bio suivies (1), une majorité présente des teneurs en phosphore inférieures aux « seuils impasse » définis par le Comifer en agriculture conventionnelle. Toutefois, ces teneurs n’ont pas semblé pénaliser les blés et maïs en bio, dans six essais bisannuels menés en parallèle, en 2022 et 2023.
« Probablement que dans ces situations, d’autres facteurs limitants ont été prépondérants », suggère Alain Mollier, de l’Inrae. « J’ai l’impression que sur une année “classique” on ne voit rien, et lorsque les conditions sont réunies pour déplafonner les rendements, il n’y a pas le gain que les voisins [qui ont des teneurs en phosphore correctes] peuvent avoir », abondait un conseiller d’agriculteurs en bio, qui assistait à la restitution.
Difficile de faire remonter les teneurs
Autre observation sur des essais long terme, la « stabilité, voire la petite baisse » des teneurs en phosphore dans les systèmes où les bilans (dose apportée – exportations) sont positifs, a présenté Eve-Anna Sanner, de CreaBio. « Il semble donc difficile de faire remonter des teneurs faibles et dégradées. » Et dans les systèmes aux bilans négatifs, une « nette diminution des teneurs en phosphore » a été constatée.
Il y a donc intérêt à anticiper pour éviter les situations à risque, soulignent les experts du projet. « Le fait d’avoir des bilans négatifs ne se traduit pas forcément [immédiatement] par des rendements faibles, mais cela ne veut pas dire non plus qu’à [plus] long terme cela ne va pas poser de problème », a ajouté Pietro Barbier, de Bordeaux Sciences Agro (lire l’encadré).
Pas d’effet de la présence d’élevage
Les quelque 200 parcelles de l’observatoire ont notamment permis d’estimer l’impact du type de sol et des pratiques culturales sur les teneurs en phosphore des sols. Celles-ci ont été constatées significativement plus faibles dans les sols calcaires et dans le Sud-Ouest, qui regroupait la grande majorité des parcelles calcaires de l’observatoire. « Peut-être y a-t-il un pouvoir tampon ou une rétrogradation plus marqués dans ces sols », a évoqué Charlotte Glachant, de la chambre d’Agriculture de l’Île-de-France.
Les teneurs ont aussi été mesurées plus faibles lorsque la fréquence des légumineuses était élevée dans la rotation. Un constat que les experts du projet expliquent par le fait que ces espèces permettent d’augmenter l’autonomie azotée et donc de limiter les apports organiques. Or, c’est sur ces derniers que repose quasi totalement la fertilisation phosphatée en bio : les phosphates naturels, seuls éléments autorisés permettant de n’apporter que du phosphore, sont peu utilisés car jugés chers et peu efficaces. Ainsi, ces parcelles « sont à haut risque pour la fertilité du phosphore à long terme », tout comme les parcelles ne comptant aucun apport de phosphore.
Enfin, les teneurs des parcelles de l’observatoire, mesurées en 2021-2022, étaient globalement plus faibles qu’en conventionnel (valeurs issues de la base de données des analyses de terres de 2010-2014). La petite dizaine d’années qui sépare ces deux observations pourrait toutefois masquer en partie une baisse tendancielle des teneurs dans les sols.
À l’inverse, l’ancienneté de la conversion, la présence d’élevage, les modes d’occupation du sol (grandes cultures ou prairies permanentes) et leur teneur en matière organique n’ont « a priori pas ou peu d’impact ».
Phosphobio va aboutir en 2025 à la publication de plusieurs livrables, dont un guide et une « calculette » pour conseillers et agriculteurs, afin de les aiguiller dans la gestion de la fertilisation phosphatée mais aussi potassique. Il donne également naissance à un nouveau projet, QualiSolsBio.
(1) Observatoire d’environ 200 parcelles réparties chez 157 agriculteurs dans le Grand Ouest, le Sud-Ouest, le Bassin parisien et le Rhône-Alpes. Campagne d’analyses de terre réalisée à l’hiver 2021-2022 et enquêtes sur les pratiques culturales réalisées aux hivers 2021-2022 et 2022-2023.
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